A la découverte de Julia Geiser

      En ce dimanche pluvieux, je vous emmène faire un tour dans le monde du collage, et plus précisément dans l’univers de l’artiste suisse Julia Geiser.

      Julia Geiser réalise des collages aux couleurs douces, généralement pastels, mêlant bien souvent de vieilles photographies en noir et blanc à des images colorées. Ses collages aux allures vintages représentent fréquemment des femmes ou des animaux dans des situations incongrues voire, disons-le, surréalistes. D’ailleurs, ses œuvres peuvent rappeler les collages de Jacques Prévert ayant été réalisé à une époque pendant laquelle ce poète était proche du mouvement surréaliste.

      D’aucun pourrait croire que les collages de Julia Geiser sont créés à la main ou, du moins, faits pour être imprimés mais il n’en est rien. En effet, l’artiste qualifie son travail d’art digital et explique sans ambiguïtés qu’à l’origine ses collages ne sont pas faits pour être imprimés mais plutôt pour rester au stade d’œuvres virtuelles.

[ Les reproductions d’œuvres viennent du site de l’artiste: http://julia-geiser.ch/ ]

La Photographie de Paysage: du document à l’oeuvre d’art

      Tous les types de photographies me passionnent. Néanmoins, certains m’intéressent plus que d’autres. Je vous ais déjà parlé ici de mon admiration pour le photojournalisme, il est maintenant temps que j’aborde le sujet de la photographie de paysage. A priori, cela peut sembler simple mais il faut se méfier des « a priori ».

      La photographie de paysage est d’abord née en Europe dans les années 1850. Elle avait alors, en premier lieu, une valeur documentaire, l’esthétisme étant généralement secondaire. Ainsi, le but de la photographie de paysage était de permettre aux peuples occidentaux de découvrir des lieux qui leur étaient alors majoritairement inconnus. Dans un premier temps, c’est l’Égypte qui a beaucoup été photographié (notamment par Maxime Du Camp ou encore John Beasly Greeene) puis, assez rapidement, le territoire couvert par les photographes s’est étendu jusqu’au Moyen-Orient, à la Chine, à l’Inde ou encore à l’Amérique du Sud. Tout cela afin d’améliorer la connaissance du monde, d’aider à sa cartographie, de recenser les merveilles de la nature et aussi afin de vendre des images exotiques aux peuples occidentaux.

      Mais si la photographie de paysage a débuté en Europe, c’est aux USA qu’elle s’est véritablement développée. Là-bas aussi, d’abord dans un projet documentaire d’indexation du territoire. Effectivement, dans la deuxième partie du XIXème siècle, les États-Unis étaient alors encore en pleine conquête de l’Ouest (notamment grâce au chemin de fer) et la photographie apparaissait comme un excellent moyen d’appropriation de ce nouveau territoire. Le gouvernement Américain finançait alors régulièrement de grandes expéditions exploratoires auxquelles étaient toujours associées au moins un photographe, le plus célèbre étant certainement Timothy O’Sullivan.

      Au fil des années, la photographie de paysage est devenue un des grands genres photographiques. En 1975, elle connue un renouveau avec l’exposition « New Topographics: Photographs of a Man-altered Landscape » à la George Eastman House (USA) qui présentait au grand public les travaux d’un groupe de photographes constitué, entre autre, de Lewis Baltz, Robert Adams et du couple Becher. Ces photographes, contrairement à leur prédécesseurs, ne visaient pas le sublime et ne cherchaient pas à idéaliser les paysages qu’ils photographiaient. Bien au contraire, même s’ils gardaient un soucis esthétique, ils souhaitaient en priorité montrer la vérité du paysage, son industrialisation, et plus largement l’impact que l’Homme a sur la nature. Les Nouveaux Topographes ont marqué la photographie et entrainé une rupture au sein du genre de la photographie de paysage. Ainsi, à partir des années 70, de plus en plus de photographes ont utilisé la photographie de paysage comme un moyen de critiquer la société contemporaine en montrant l’impact négatif qu’elle a sur la nature et en ayant ainsi un message critique bien souvent écologique. C’est notamment le cas de John Davies, Richard Misrach, David Maisel ou encore Edward Burtynsky. Cependant, bon nombre de photographes continuent aujourd’hui à réaliser de la « pure » photographie esthétique de paysage (c’est-à-dire sans volonté de valeur critique), ce qui n’a rien de péjoratif et entraine ainsi la création de magnifiques photographies (on peut citer James Appleton et Jérôme Brézillon).

Avis féminin sur l’exposition Masculin/Masculin au Musée d’Orsay

      Si il y a bien une exposition qui a suscité le débat cette année en France (en plus de celle du Louvre « De L’Allemagne »), c’est bien « Masculin/Masculin. L’Homme nu dans l’art de 1800 à nos jours » ayant lieu à Paris, au Musée d’Orsay ! Toute cette agitation médiatique a évidemment attiré le public, ce qui m’a amené à ne la faire que très récemment (alors qu’elle a été inauguré le 24 septembre et qu’elle se termine le 2 janvier) pour éviter l’engouement des premiers mois.

      Ce qui a soulevé le débat lors de cette exposition c’est son thème en lui-même, à savoir le nu masculin. En effet, si la plupart des gens ont trouvé intéressant de se pencher (enfin) sur ce sujet, certains ont pu être dérangé, voire choqué, pas ce déballage de l’anatomie masculine. A une époque où le corps féminin est montré quotidiennement et ce quasiment sous toutes ces coutures, des voix ce sont donc élevées, gênées par l’exposition du corps masculin.

      Toutefois, comme je l’ai déjà dit, c’est une minorité qui s’est élevée contre la monstration du corps masculin. La plupart des critiques, ainsi que des visiteurs, ont approuvé cette idée qui ne devrait pas être choquante au XXIème siècle. Ce qui a posé problème de façon plus large, c’est le choix des œuvres. Effectivement, si la diversité des médiums exposée est tout à fait satisfaisante (on voit aussi bien des peintures que des sculptures ou encore des photographies), la diversité des corps représentés dans les œuvres l’est un peu moins. C’est-à-dire que certains ont jugé que la majorité des œuvres montrent uniquement un type de corps masculin, souvent idéalisé, et que finalement l’exposition ne révèle pas vraiment ce qu’est le nu masculin. Comme si il y avait une volonté de ne pas choquer, d’être « grand public » et, en conséquence, de ne pas montrer d’œuvres représentant des corps réalistes et moins glorieux. Pour ma part, je suis mitigée face à cette critique. En effet, je suis d’accord pour dire qu’une majorité des œuvres exposées montre uniquement un type de corps, idéalisé et peu réaliste, mais il y a quand même des exceptions notables avec la présence d’oeuvres de Egon Schiele, de Ron Mueck ou encore de Lucian Freud. Il est d’ailleurs appréciable que le Musée d’Orsay ait choisi de mêler les arts d’époques différentes et de convier l’art contemporain à l’exposition. Mais c’est vrai que la diversité des nus masculins représentés aurait pu être plus satisfaisante, plus osée en somme.

    Mais ce qui fait vraiment défaut dans cette exposition, ce qui pose vraiment problème selon moi, ce n’est pas le sujet des nus masculins, ou sa diversité de représentations limitée, mais plutôt son organisation elle-même, autrement dit sa scénographie. Ainsi, le choix a été fait d’organiser l’exposition thématiquement et non chronologiquement. C’est selon moi une très bonne idée qui a le mérite de changer des expositions linéaires et de proposer des points de vue intéressants. Au départ, c’est donc une idée de qualité. C’est après que ça se corse … J’ai en fait trouvé les thèmes assez brouillons. Par exemple, au premier thème de « l’idéal classique » succède celui du « nu héroïque », or ces deux sujets sont assez proches puisque généralement les héros étaient représentés selon l’idéal classique, ce qui fait que les thèmes se mélangent et sont, dans ce cas, assez peu pertinents.

     En bref, Masculin/Masculin est une belle exposition que je recommande pour son sujet novateur, la diversité des types d’œuvres exposées, la qualité de celles-ci et pour l’audacieux mélange des époques. Néanmoins, elle m’a laissé sur ma faim à cause d’un parcours parfois un peu brouillon et d’une absence d’œuvres représentant des nus moins idéalisés, plus réalistes, peut-être parce que cela a été jugé trop choquant. Ce qui, dans ce cas, nous ramène à la problématique de départ: Il y a-t-il une pudeur spécifique lié à la monstration du corps masculin ? Et donc, il y aurait-il une inégalité entre le corps féminin et le corps masculin ?

Icône d’hier et d’aujourd’hui: la Comtesse de Castiglione

      Je délaisse aujourd’hui l’art contemporain, mon domaine de prédilection, pour aller au cœur du XIXème siècle à la rencontre de Virginia Oldoini, plus connue sous le nom de Comtesse de Castiglione.

       Comme les sonorités de son nom l’indiquent, la Comtesse de Castiglione était italienne, originaire de Florence plus précisément, où elle est née en 1837. Mais c’est en France, à Paris, que le nom de la Comtesse résonna le plus, aussi bien pour des raisons politiques et amoureuses, qu’artistiques.

       Deux ans après avoir épousé un comte italien en 1854, la Comtesse de Castiglione fut envoyée à Paris en tant qu’émissaire politique afin de convaincre Napoléon III, qui était alors Empereur de France, du bien fondé de l’unité italienne. Assez rapidement, la Comtesse devint la maîtresse de l’Empereur et c’est évidemment cette liaison impériale qui la rendit célèbre. Elle fut alors considérée comme la plus belle femme du monde, et elle-même, un brin narcissique, se proclama comme telle. Napoléon III la quitta un an plus tard, en 1857, et elle rentra alors en Italie. Néanmoins, elle revint vite en France où elle s’installa définitivement en continuant à susciter l’admiration et en multipliant les liaisons. Lorsque l’Empire prit fin en 1870 pour laisser place à la République, la Comtesse s’éloigna des mondanités et mourut finalement en 1899.

        C’est durant ses années de faste, pendant lesquelles elle fut la maitresse de Napoléon III puis celle d’autres aristocrates, que la Comtesse de Castiglione joua un rôle non-négligeable dans le monde de l’art. En effet, elle s’intéressa beaucoup à ce qui était alors LE nouvel art de l’époque: la photographie. Pour cette femme narcissique, ce médium était un moyen de jouer avec son image et aussi de faire preuve d’inventivité. A l’époque où les tableaux vivants étaient très à la mode des deux côtés de la Manche, la Comtesse décida de se mettre en scène, le plus souvent photographiée par Pierre-Louis Pierson, en mettant en jeu les problématiques du regard et du costume. Cela se traduit dans les photographies par l’importance accordée au choix des vêtements et des accessoires (certains historiens parlent d’ailleurs de photographie de mode avant l’heure) ainsi que par l’utilisation de masques et de miroirs afin de mettre en exergue le regard.

       Si la Comtesse de Castiglione est aujourd’hui morte depuis plus d’un siècle, son nom n’est toutefois pas tombé dans l’oubli, et ce notamment grâce à ses nombreuses photographies (on en compte plus de 500). Ainsi, sa vie romanesque ne cesse d’inspirer artistes et autres, qui continuent de la représenter. D’ailleurs, une des photographies que je vous présente plus haut illustre parfaitement cet engouement constant pour la Comtesse. En effet, en 2005, la marque de joaillerie de luxe Boucheron a choisit pour sa compagne publicitaire (réalisée par Publicis) de mettre en scène des femmes qui ont marqué l’Histoire, et parmi elles, il y avait la Comtesse de Castiglione.

[ Pour plus d’infos à propos de la Comtesse de Castiglione, je vous propose de lire cet article réalisé par le Musée d’Orsay en 1999 à l’occasion d’une exposition consacrée à cette femme : http://www.musee-orsay.fr/fr/evenements/expositions/archives/presentation-detaillee/browse/13/page/0/article/la-comtesse-de-castiglione-par-elle-meme-3995.html?S=&tx_ttnews%5BbackPid%5D=258&cHash=cac6b97f5f&print=1&no_cache=1& ]

Quand la photographie s’empare du diorama

       En ce moment, dans le cadre de mes études, je fais des recherches sur une pratique photographique assez singulière qui n’a pas encore vraiment de nom « officiel » et que j’appellerais donc assez simplement « la photographie de diorama ». Tout d’abord, mettons les choses au point, un diorama est une sorte de maquette, un genre de reconstitution en 3 dimensions. Si ce terme est assez peu utilisé en France, il l’est beaucoup plus dans les pays anglophones où les dioramas sont très fréquemment utilisés au sein de musées, notamment pour montrer la façon de vivre d’anciennes civilisations.

       Depuis quelques décennies, certains photographes qui préfèrent travailler en studio, construisent leur propre diorama (à échelle plus ou moins grande) pour ensuite les photographier. Pour ces artistes, même si l’élaboration d’un diorama peut mettre des mois, l’œuvre finale est pourtant bien la photographie, certains d’entre eux détruisent d’ailleurs leur diorama après l’avoir pris en photo. Cette pratique permet aux artistes de créer des mondes imaginaires et d’interroger notre rapport au réel. En réalisant des mises en scène, ils peuvent aussi adopter un regard critique à l’égard de notre société.

      Cette pratique a principalement commencé dans les années 1980 avec des photographes tels que James Casebere et Thomas Demand. Depuis, d’autres artistes ont pratiqué un art similaire. C’est notamment le cas de Lori Nix, Graeme Webb ou encore Frank Kunert, je vous laisse découvrir leurs photographies: